Apports de la civilisation islamique en Mathématiques

4 Décembre 2013 , Rédigé par XibniY : LE BLOG DE MOHAMED SALEH IBNI OUMAR Publié dans #OEIL SUR LES MATHEMATIQUES

 

ISLAM
HISTOIRE ECIVILISATION
Apports de la 
civilisation islamique en : 
Mathématiques

 

SOMMAIRE

 

Dans l'histoire des mathématiques, on désigne par les expressions de « mathématiques arabes », ou « mathématiques islamiques », les contributions apportées par les mathématiciens du monde musulman du début de la conquête jusqu'au milieu du XVe siècle.

Les sciences arabes, et en premier plan, les mathématiques, s'exercent à travers les califats islamiques, établis en Moyen-Orient, en Asie centrale, en Afrique du Nord, dans la péninsule ibérique, et au sud de la France au VIIIe siècle. Les textes sont écrits en arabe, qui était une des langues des sciences et de la culture à cette époque, d'où l'emploi des termes de « sciences arabes » et de « mathématiques arabes », cela sans considération de la langue maternelle des savants et quelles que puissent être leurs origines ethniques ou leurs religions.

Les mathématiques arabes se sont constituées par assimilation des mathématiques grecques ou hellénistiques ainsi que des mathématiques indiennes. Elles ont également été influencées par les mathématiques chinoises et babyloniennes avant de connaitre un développement propre. C'est principalement par leurs traductions en arabe et leurs commentaires que l'Europe prit connaissance des ouvrages des mathématiciens grecs. De récentes recherches ont démontré que beaucoup d'idées, qu'on pensait nées dans l'Europe du XVIe, XVIIe ou XVIIIe siècle, étaient déjà présentes dans les mathématiques grecques ou furent développées par des mathématiciens arabes.

L'intérêt que les Musulmans portèrent à la science des astres devait nécessairement les conduire à l'étude approfondie des mathématiques. Ils cultivèrent en effet avec assiduité les diverses branches de cette science. Ils le firent avec une ardeur qui surprend quelque peu l'esprit européen, porté à considérer les Orientaux comme des imaginatifs, réfractaires aux règles rigides de la logique pure. L'arithmétique, la géométrie et l'algèbre sont redevables aux savants musulmans de découvertes fondamentales. Par exemple, le nom d'Al-Khwarismi, latinisé en Algoritmi a donné le mot algorithme. Son traité, Kitab fi'l-jabr wa'l-muqabala (Livre sur la restauration et la confrontation) traite de manipulations sur les équations. Il propose une preuve des procédures de résolution, déjà connues, par une complétion géométrique en carrés.

   1) Bref historique des mathématiques islamiques

L'islam connaît dès sa naissance au VIIe siècle une fulgurante progression. En un siècle, les territoires musulmans s'étendent d'Espagne jusqu'en Perse. La conquête des territoires contre l'empire byzantin conduit à la prise de Damas, l'invasion de la vallée mésopotamienne et la prise d'Alexandrie en 641. Par ces conquêtes l'empire musulman prend connaissance du savoir grec et indien.

Puis durant un siècle, des luttes internes aboutissent à la création, vers la fin du huitième siècle après la chute des Omeyyades, de trois entités politiques différentes : Abbassides à l'est, Idrissides au Maroc et Omeyyades de Cordoue. Ce schisme explique en particulier l'existence de plusieurs graphies pour les chiffres dit arabes : 0,1,2,3,4,5,6,7,8,9 : utilisés à Fès et à Cordoue et ٠,١,٢,٣,٤,٥,٦,٧,٨,٩ : utilisés à Bagdad.

Bagdad, ville créée par les califes abbassides pour servir de capitale de l'Empire, devient très vite un centre culturel avec notamment la création d'une « Maison de la Sagesse » sous le règne du calife Al-Mamun (début du IXe siècle). Un grand programme de traduction y est entrepris, d'abord de persan en arabe puis de sanscrit ou de grec en arabe. Les Arabes établissent des contacts avec les Romains byzantins de Constantinople et les califes arabes achètent les manuscrits grecs notamment « les Éléments » d'Euclide (traduits par Al-Hajjaj) et la « Grande composition mathématique » de Ptolémée connue sous le nom Almageste qui donne lieu à plusieurs traductions dont celle d'Al-Hajjaj et celle de Thabit ibn Qurra. Deviennent également accessibles et traduits en arabe des ouvrages tels que les « Coniques d'Apollonius », « De la sphère et du cylindre » d'Archimède, l’ « Arithmetica » de Diophante (traduit par Qusta ibn Luqa), le « Traité sur les miroirs » de Dioclès, les « Travaux sur la mécanique » de Pappus d'Alexandrie ainsi que les traités de Héron d'Alexandrie. Les mathématiciens arabes traduisent aussi des textes sanskrits d'astronomie et de mathématiques indiennes comme le « Surya Siddhanta » et le « Brahma Sphuta Siddhanta » (traduits par Muhammad al-Fazari), le « Khandakhayaka de Brahmagupta ».

Parmi les membres de la Maison de la Sagesse, on compte le mathématicien persan Al-Khwarismi. Deux de ses traités ont eu un impact considérable sur les mathématiques européennes au XIIe siècle. Le premier, dont seule la traduction latine a été conservée, transmet la numération décimale. Le second traité, Kitab fi'l-jabr wa'l-muqabala (Livre sur la restauration et la confrontation) traite de manipulations sur les équations. L'algèbre, nouvelle discipline des mathématiques, continuera de s'épanouir avec la civilisation islamique. On peut également citer les frères Banu Musa et Thābit ibn Qurra (algèbre, traduction de Nicomaque et révision des éléments d'Euclide, mise en place de méthodes infinitésimales pour le calcul d'aire, astronomie, trigonométrie, théorie des nombres).

Les mathématiques arabes sont particulièrement florissantes durant les Xe et XIe siècles, période durant laquelle de nombreux mathématiciens approfondissent les différentes branches des mathématiques : Abu l-Wafa (traducteur, algèbre, arithmétique, trigonométrie, géométrie) , Abu Nasr Mansur (trigonométrie) , Abu Kamil (algèbre), al-Battani (trigonométrie), al-Karaji (algèbre), Ibn al-Hayttam connu sous le nom d'Alhazen (algèbre, géométrie, optique) , Omar Khayyam (algèbre, géométrie) , Sharaf al-Dīn al-Tūsī (algèbre).

Le premier déclin des sciences musulmanes commence au XIIe siècle suite à des conflits divisant le monde islamique, mais il existe cependant encore des mathématiciens de renom au delà de cette période parmi lesquels on peut citer Nasir al-Din al-Tusi au XIIe siècle (géométrie), puis al-Kashi au XVe siècle (arithmétique, algèbre, analyse numérique). Après ce dernier mathématicien, le nombre de contributions aux mathématiques médiévales par des mathématiciens musulmans devient négligeable.

 

   2) Apports en Arithmétique

En arithmétique, nous employons toujours les chiffres et le système de numération arabes.

Selon Ahmed Djebbar, les mathématiciens arabes étudièrent les nombres premiers, les nombres amiables ou parfaits, les équations diophantiennes et enfin les études de suites et de séries. Selon Dahan, ils leurs auraient « insufflé une nouvelle vie ». Mais les mathématiciens de langue arabe intègrent également les mathématiques indiennes avec notamment la notation décimale et l'usage du zéro (bien que les indiens, tout en en utilisant le symbole, ne l’avaient pas théorisé de matière mathématique).

 

   3) Apports en Algèbre

Une importante contribution à l'algèbre fut le nom lui-même : "Algèbre" provient du titre d'un ouvrage d'Al-Khwarismi (ou al-Khwarizmi) "Al-jabr w'al muqabala". L'invention même de l'algèbre (en arabe Al-Jabr) est donc attribuée avec beaucoup de vraisemblance aux musulmans. Lors de la création de la " Maison de la Sagesse " le khalife Al-Mamûn avait confié sa direction à Mohammed Ibn Moussa al-Khwarizmi, que Cardan met au nombre des douze plus grands génies du monde.

Son traité d'algèbre est intitulé " Al-Jabre w'al maakalala " (Calcul par restitution). C'est de la première partie du titre de l'ouvrage que provient le mot " algèbre " et c'est de la déviation du nom de l'auteur " al-Khwarizmi " qu'on a tiré l' "Algorithme". Cet ouvrage, traduit par Gérard de Crémone, « après avoir été la pierre angulaire de l'édifice mathématique élevé par les Arabes postérieurs, devait initier un jour les premiers collègues occidentaux à la fois aux beautés du calcul algébrique et à celle de l'arithmétique décimale » (Max Vintejoux : Le Miracle Arabe. Editions Charlot. Paris 1950).

« L'un des meilleurs esprit scientifique de l'Islam al-Khwarizmi est sans doute l'homme qui a exercé le plus d'influence sur la pensée mathématique de tout le Moyen Age. » (Philip Hitti : Précis d'Histoire des Arabes).

Selon Ahmed Djebbar, « un autre apport essentiel d'Al-Khwarismi par rapport aux auteurs antérieurs est la classification de problèmes en six cas, dépendant de trois termes (nombres, chose ou quantité cherchée, carré), la discussion de leurs procédures de résolution selon la disposition de ces termes, et une justification uniformisée de ces procédures par la géométrie ».

Il est vrai que certains auteurs font venir, sans preuves plausibles, cette science, ainsi que le système de numérotation décimale, de l'Inde. D'autres en font l'honneur aux Grecs. Une chose en tout cas est certaine : les progrès apportés par les savants musulmans transformèrent l'algèbre du tout au tout.

 

   4) Apports en Géométrie

L'application de l'algèbre à la géométrie est due aux Arabes. Elle fut l'œuvre de Thabit Ibn Carrah, mort en l'an 900. Les travaux des savants musulmans en géométrie furent particulièrement importants. Les musulmans modifièrent entièrement cette science en ramenant la résolution des triangles à un certain nombre de théorèmes fondamentaux qui lui servent de base encore de nos jours.

« On avait toujours pensé que les Arabes n'avaient pas été au-delà des équations du second degré. On fondait cette opinion sur ce que Fibonacci et Lucas de Burgo s'étaient arrêtés à ce point de la science. Montucla, le premier, l'a mise en doute, et a pensé que les Arabes pouvaient bien avoir traité des équations du troisième degré ; il se fondait sur le titre (NDLR : "Algebra cubica, seu de problematum solidorum resolutione") d'un manuscrit apporté de l'Orient par le célèbre Golius, et qui se trouve dans la bibliothèque de Leyde. Le fragment d'algèbre trouvé dans le manuscrit N° 1104 confirme la conjecture de Montucla et en fait un des points les plus importants de l'histoire scientifique des Arabes. La trigonométrie est une des parties des mathématiques que les Arabes cultivèrent avec le plus de soin, à cause de ses applications à l'astronomie.Aussi leur dut-elle de nombreux perfectionnements qui lui donnèrent une forme nouvelle, et la rendirent propre à des applications que les Grecs n'auraient pu faire que très péniblement. 
Les premiers progrès de la trigonométrie datent d'Al-Batani (Albategni). Ce grand astronome, surnommé le Ptolémée des Arabes, eut l'heureuse et féconde idée de substituer aux cordes des arcs, dont les Grecs se servaient dans leurs calculs trigonométriques, les demi cordes des arcs doubles, c'est-à-dire les sinus des arcs proposés. "Ptolémée, dit-il, ne se servait des cordes entières que pour la facilité des démonstrations ; mais nous, nous avons pris les moitiés des arcs doubles". Albategni est parvenu à la formule fondamentale de la trigonométrie sphérique, dont il a fait diverses applications. On trouve dans ses ouvrages la première idée des tangentes des arcs, l'expression sinus/cosinus, dont les Grecs ne se sont pas servis. Al-Batani l'a fait entrer dans les calculs de gnomique et l'appelle ombre étendue. C'est la tangente trigonométrique des modernes. »
(M. Chasles : Aperçus historique des méthodes en géométrie)

L'introduction des tangentes dans la trigonométrie se révéla d'une importance capitale :

« Cette heureuse révolution dans la science, qui en bannissait les expressions composées et incommodes, contenant le sinus et le cosinus de l'inconnue, ne s'est opérée que cinq cents ans plus tard chez les modernes ; on en fait honneur à Regimontanus : et près d'un siècle apres lui, Copernic ne la connaissait pas. »
 (M. Chasles)

Terminons ce bref aperçu sur les mathématiques en rappelant que Nasr ed-Dinne Thûsi, qui vécut au XIII siècle, fut le premier à mettre en doute l'intangibilité du postulat d'Euclide. Il doit être considéré comme le précurseur lointain de Lobatchevsky et de Riemann dans la géométrie non-euclidienne.

 

   5) Anecdotes relatives aux mathématiques islamiques

L’histoire du mot « chiffre »

" Chiffre " : l'histoire du mot mérite d'être racontée. En empruntant aux Indiens leur système de numération et d'écriture de position des nombres (qui facilite grandement les opérations arithmétiques) les musulmans désignèrent le « 0 - zéro » : « es-sifr », littéralement, « le vide ».

Le mot fut latinisé en cephirum ; en Italie, il devient zefero puis zéro ; en France, il devient chiffre - pour désigner l'ensemble des caractères numériques - et pour lever l'équivoque on emprunta à l'italien le zéro pour désigner la valeur nulle qui a proprement parler devrait avoir l'exclusivité de s'appeler chiffre.

Algorithme, désignation des inconnues et équations du 3ème degré

L'histoire des mathématiques regorge d’inventions musulmanes. Le mot " algorithme " vient du nom du grand mathématicien Al Khwarizmi, qui est le père de l'algèbre et l'auteur du Kitab al Jabr (de jabara, réduire).

C'est aux musulmans encore que l'on doit la désignation des inconnues par la lettre x (Xay en espagnol, déformation de chay : la chose).

Même si elles sont le fait d'érudit, comme le poète O. Khayyam qui fournit la solution des équations du troisième degré, ces recherches mathématiques ont des finalités pratiques et visent à résoudre des problèmes quotidiens (calcul de surface, aménagement urbain).

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