Intervention de M.S. Ibni au Congrès de l’Action chrétienne pour l’Abolition de la Torture-Voguè

20 Mars 2010 , Rédigé par M.S. Publié dans #OEIL SUR LES MATHEMATIQUES

ACATMesdames, Messieurs, chers invités,

Ce n’est pas sans émotion que je viens aujourd’hui témoigner devant vous, au Congrès de l’Action chrétienne pour l’Abolition de la Torture. Ce n’est pas sans fierté que je me vois conférer le rôle de défendre la mémoire de mon père, le Professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh et de tous ceux, qui, de part le monde, ont été victimes de la barbarie des hommes, torturés, martyrisés, assassinés dans des caves hideuses. De Klaus Barbie à Douch en passant par l’empereur Bokassa Ier de Centrafrique qui torturait lui-même ceux qui avaient l’outrecuidance de déplaire à son auguste majesté, ils ont été nombreux ces tortionnaires qui ont rabaissé la dignité de l’homme à celle de l’animal, sans compassion, sans amour, sans pitié. Il y aurait de quoi perdre espoir en ce bas-monde. Mais aujourd’hui, en cette assemblée, je vois des femmes et des hommes qui ont l’intime conviction que cette sauvagerie doit finir, que dans chaque pays la justice doit faire son travail et que la torture, les disparitions forcées, les exécutions forcées devraient y être abhorrées définitivement. Cet engagement de votre part me redonne foi en l’existence et me permet de continuer à me battre avec courage pour que la vérité éclate sur la disparition de mon père et que jamais, plus jamais, un être humain ne puisse être privé de son intégrité physique, voire même de sa vie, pour ses appartenances politiques, ethniques ou religieuses. Alors, mesdames et messieurs, du fond du cœur, merci pour votre engagement, merci pour votre soutien sans faille et merci de me donner cette tribune afin d’être, comme le dirait Aimé Césaire, « la bouche des malheurs de ceux qui n’ont pas de bouche et ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ».

A l’aune du XXIème siècle, force est de constater que la cohabitation des religions ne se passe pas dans la plus parfaite des harmonies, d’aucun tendent à opposer les valeurs de l’islam à celle du christianisme ou à celle du judaïsme. Je me présente aujourd’hui à cette tribune pour vous dire tout de go qu’ils ont tort. Car si je ne suis pas de la même confession que de la plupart d’entre vous, je n’en partage pas moins les mêmes valeurs de tolérance, de respect mutuel, de dignité et d’altruisme. Et même si ma foi se porte vers l’islam, je n’en ai pas moins étudié les textes sacrés du christianisme, les évangiles notamment. Ils m’ont aidé à surmonté l’épreuve douloureuse que fut la mort de mon père. Je me souviens notamment d’un passage marquant de l’évangile selon Saint Luc, où Jésus crucifié pardonne à ses bourreaux par le truchement de cette phrase : « Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Je crois que qu’elle que soit nos inclinations religieuses, cette phrase ne peut nous laisser insensible et délivre un message d’une incroyable force que j’essaye aujourd’hui de retranscrire au sein de mon expérience personnel. Et c’est fort de cet enseignement que je suis venu témoigner devant vous de la disparition de mon père, le Pr.Ibni Porte-parole de l’opposition démocratique tchadienne, le 3 février 2008.

 3 février : ne commettons jamais le crime de l’oubli…

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<br /> Anne-Cécile Antoni<br /> <br /> <br />
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